Chers enfants,
Oui la terre est bleue comme une orange et le printemps comme la mer. Et à la fois si bleue, si belle. Et ce printemps comme une orange amère. Tout en tonalité orange de mon premier confinement. Le troisième maintenant. Jamais deux sans trois. On s'y sentirait presque comme sur une île.
Chaque hiver, chacun de vous n'est pas sans ignorer que j'hiberne aux Bahamas. Et là je réponds à la question numéro 3 de mon post précédent. Cette année on oublie les voyages, si ce n'est vous l'aurez compris, intérieurs. Alors j'ai préféré remonter dans mes souvenirs. Et j'ai choisi Picasso pour guide et sa période bleue comme fil rouge.
Je me souviens d'un matin calme d'une fenêtre ouverte sur l'azur. Comme ce premier matin d'avril où je suis tombée dans les bras du monde. Comme ce dernier matin où je quitterai cette terre. Puisqu'il faut bien s'y préparer comme disait Montaigne dans son essai " Philosopher c'est apprendre à mourir" et qui revient paradoxalement à comprendre que philosopher c'est apprendre à vivre.
Je me souviens de ce pays et cette ville dont chaque rue était bordée d'orangers amers. Je me souviens du parfum de leurs fleurs qui m'avait littéralement explosé dans les narines avant même que je ne pose les pieds à terre. En comparaison l'odeur de l'eau de fleur d'oranger que j'aime tant et que je respire la majeure partie de l'année au-dessus des crêpes m'avait parut bien fade à la vérité ! J'avais même rapporté un petit arbre de mon voyage que j'avais replanté à l'abri des vents dans mon jardin. Il n'a pas supporté les rigueurs de l'hiver d'ici. Hélas, mon bel oranger est mort de froid. Penser naïvement que je pouvais m'acheter une odeur... Quelle erreur de jeunesse ! Encore eût-il eu fallu que j'enfournasse (ouh là là !) la ville voire le pays tout entier dans ma petite voiture ! Même l'homme le plus riche du monde est limité par ce qu'il est réellement en mesure d'acheter. Certes beaucoup mais au final pas grand chose en réalité...
Les odeurs, les mots... L'amitié non plus ne ment pas. Elle ne peut pas non plus s'acheter. Je le sais bien moi... Comme celle qui lia Paul Eluard et Pablo Picasso pendant la guerre d'Espagne puis l'Occupation. Pendant de nombreuses années, leurs oeuvres respectives se répondirent comme un dialogue. La rencontre de la poésie et de la peinture.
C'est pour célébrer l'amitié universelle que je vous offre ma recette ultra simple des oranges à l'andalouse (que l'on vous sert au printemps là-bas dans toutes les tabernas), pour célébrer cette harmonie entre l'orange et le bleu. Deux couleurs opposées et pourtant complémentaires.
Oranges à l'andalouse
- des vraies oranges
- de l'eau de fleur d'oranger
- de la cannelle en poudre
- des feuilles de menthe marocaine
- du sucre de canne
* Pelez les oranges entières à vif en ôtant la pellicule blanche qui les recouvre.
* Découpez-les en fines rondelles, comme cela chacun aura un peu du coeur.
* Arrosez de 2 cuillerées à soupe de fleur d'oranger.
* Saupoudrez de sucre, de cannelle et des feuilles de menthes ciselées.
* Conservez au frais avant de déguster.
Version Soupette :
1. Je remplace le sucre de canne par mon sucre de canne à la verveine de mon mammouth pied de verveine citronnelle.
2. J'invite "ma meilleure" (comme dirait mon arrière-petite-nièce) à venir partager ces oranges dans mon patio, autour d'un thé à la menthe maison dans des tasses bleues.
Alors en attendant que revienne la belle saison des amitiés, des parfums de fleurs d'oranger et des guêpes qui vont avec, je peux vous dire maintenant à très bientôt.
Mémère
P.S. : pour cette fois-ci, pas besoin d'ambiance musicale, le poème se suffit à lui même. Et ne vous arrêtez pas au premier vers d'une beauté si simplement évidente. Ne cherchez pas à comprendre. Lisez et écoutez. Écoutez le tempo. Écoutez ce qu'ont à vous dire les mots. Écoutez surtout la musique du silence entre les mots.
La terre est bleue comme une orange Jamais une erreur les mots ne mentent pas Ils ne vous donnent plus à chanter Au tour des baisers de s’entendre Les fous et les amours Elle sa bouche d’alliance Tous les secrets tous les sourires Et quels vêtements d’indulgence À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert L’aube se passe autour du cou Un collier de fenêtres Des ailes couvrent les feuilles Tu as toutes les joies solaires Tout le soleil sur la terre Sur les chemins de ta beauté.
Oeil de sourd
Faites mon portrait
Il se modifiera pour remplir tous les vides.
Faites mon portrait sans bruit, seul le silence,
A moins que - s'il - sauf - excepté -
Je ne vous entends pas.
Il s'agit, il ne s'agit plus.
Je voudrais ressembler -
Fâcheuse coïncidence, entre autres grandes affaires
Sans fatigue, têtes nouées
Aux mains de mon activité.
Paul Éluard, 1929